Laurent Lamarche et Ianick Raymon

EXPOSITION DANS L’OMBRE DE L’ARTIFICE / CENTRE SAGAMIE ET GALERIE LA CACHE

Si l’association du travail de Laurent Lamarche et Ianick Raymond peut d’abord surprendre – l’un étant davantage associé à la sculpture et l’installation et l’autre à la peinture – il suffit d’un regard attentif pour déceler la multitude des points de proximité de leur langage plastique. En basant leur collaboration sur un intérêt commun du travail de la matière, les artistes proposent un dialogue entre leur pratique qui joue avec nos perceptions de l’image. Ianick Raymond s’intéresse aux outils et méthodes qui permettent de reproduire des fragments de réel, tout en introduisant toujours un doute chez le spectateur quant à la nature de l’image.

À travers une investigation des effets optiques et du trompe-l’œil, l’artiste convoque et met en scène les paramètres qui constituent à la fois la peinture et sa réception. Avec de subtils décalages, il juxtapose l’imprimé et la peinture pour créer des tableaux vibrants où les limites de chacun des médiums deviennent impossibles à cerner. De son côté, Laurent Lamarche cherche des manières de pénétrer l’image, pour en révéler sa profondeur. Ses œuvres rappellent des dispositifs de visualisation de nature scientifique, tels que la radiographie, qui permettent de représenter des couches invisibles, des structures, des squelettes. Ici, la technologie sert de révélateur d’une matière aux allures organiques, elle évoque le vivant et en permet une certaine représentation. Mais les spécimens ainsi catalogués présentent toujours suffisamment de familiarité pour faire douter de leur caractère réel ou fictif.

En prolongement de cette esthétique proche de la science, la murale conçue par les deux artistes agit comme véritable liant entre leur pratique, autant dans la mise en espace que dans la combinaison de leurs préoccupations formelles et conceptuelles. En effet, les motifs d’abord créés à partir de traces de succion laissées sur deux plaques enduites d’acrylique ayant été séparées sont ensuite magnifiés, agrandis et recadrés par un traitement numérique. Dans cette rencontre entre la manipulation analogique et technologique de la matière émergent des formes fractales comme autant de points de contact entre mathématique et biologie.

Bien que les autres pièces présentées dans l’exposition n’aient pas été créées en commun par les artistes, leur répartition dans l’espace, comme des éléments en dialogue, met en lumière une approche partagée qui a quelque chose de l’archéologie. C’est que les œuvres choisies fonctionnent un peu comme des vestiges et portent en elles-mêmes les empreintes du processus qui les a constituées. Dans ce parcours, elles deviennent des objets énigmatiques, comme des artefacts sortis de leur contexte, des traces laissées tantôt par l’intervention humaine, tantôt par des phénomènes naturels. C’est peut-être là la piste la plus porteuse dans ce duo, dans cet aller-retour entre l’art et le vivant que l’on effectue avec l’artefact.

Un texte d'Emmanuelle Choquette


Laurent Lamarche

Mes œuvres s’inscrivent dans une réflexion à la croisée du laboratoire scientifique, du cabinet de curiosité et du musée d’histoire naturelle. C’est à partir du potentiel de transformation de la matière, de l’objet et de l’être que j’analyse les connexions entre humains, nature et instruments. Comment, par exemple, modéliser des phénomènes naturels par l’intermédiaire d’assemblages d’idées et d’images ? C’est un de mes enjeux, en rapport à la nature et aux technologies actuelles. Entre low-tech et high-tech, les organismes et les phénomènes que je suggère évoluent ainsi dans des univers fictionnels en apparence futuristes et technologiques. Émerge alors une exploration de la porosité des frontières existantes entre l’art et la science, et aussi entre nature et artifice.

Détenteur d’une maîtrise en arts visuels (2012) de l’Université du Québec à Montréal, Laurent Lamarche investit autant la sculpture et la photographie que l’installation et le multimédia. Ses œuvres ont été présentées dans des expositions collectives et individuelles au Québec et à l’étranger. Elles font partie de nombreuses collections privées et publiques, notamment celles du Musée national des Beaux-Arts du Québec, du Cirque du Soleil, de Loto-Québec, de Tourisme Montréal et de l’Université Berkeley de Californie.

Ianick Raymond

aborde la peinture comme une expérience l’aidant à comprendre comment le regard parcourt un tableau. Animé par un désir de déjouer les réflexes visuels, il s’applique à créer des espaces picturaux à première vue évidents, dont la complexité se révèle à mesure que le spectateur prend contact avec leur matérialité. Raymond investit fortement deux aspects fondamentaux de la peinture : la luminosité de la couleur (les valeurs ou tonalités) et sa matérialité, afin d’explorer les possibilités du tableau comme dispositif perceptuel.